Dans l’univers de l’entrepreneuriat, une holding n’est pas qu’une simple « boîte à parts sociales ». Bien utilisée, elle se transforme en véritable tour de contrôle, capable de piloter et d’orchestrer l’ensemble d’un groupe de sociétés. Mais pour donner du sens et de la légitimité à ce rôle actif, il faut aussi pouvoir l’ancrer financièrement. C’est là que les fameux management fees entrent en jeu.
Ces frais de gestion permettent à une holding de facturer à ses filiales des prestations internes : direction stratégique, services administratifs, ressources humaines, comptabilité… Bien pensés, ils offrent des avantages fiscaux et une meilleure organisation du groupe. Mal encadrés, ils peuvent au contraire entraîner des risques de redressement fiscal.
Définition des management fees et leur rôle dans la gestion des holdings
Les management fees, ou frais de gestion, désignent les sommes facturées par une société (souvent une holding) à une ou plusieurs autres entités du groupe, en échange de prestations de services. Ces prestations peuvent inclure la gestion administrative, la stratégie commerciale, les ressources humaines, la comptabilité, le juridique, ou encore la finance.
Dans le cadre d’une holding, ces frais jouent un rôle clé. Ils permettent à la société mère de centraliser certaines fonctions transversales, de mutualiser des compétences, et d’apporter une valeur ajoutée concrète à ses filiales. Par exemple, une holding qui emploie un directeur financier ou un responsable juridique peut refacturer ces services à ses filiales au titre des management fees.
Cette mécanique permet de :
- Professionnaliser la gestion du groupe
- Donner à la holding un rôle actif (et non purement capitalistique)
- Créer un flux économique justifié entre les sociétés du groupe
Mais attention, il ne suffit pas de facturer des frais pour que tout soit conforme. Ces prestations doivent être réelles, justifiées, documentées et proportionnées. Une convention de services, des factures détaillées et des preuves de réalisation sont des éléments indispensables pour éviter toute contestation, notamment en cas de contrôle fiscal.
Les management fees ne sont donc pas qu’un simple outil de répartition des charges : ils structurent la relation entre la holding et ses filiales, et participent activement à la stratégie de groupe.

Avantages fiscaux potentiels des management fees pour les entrepreneurs
Au-delà de leur utilité opérationnelle, les management fees présentent des avantages fiscaux non négligeables pour les entrepreneurs qui souhaitent optimiser la gestion de leur groupe. Bien utilisés, ces frais de gestion peuvent devenir un levier puissant de structuration fiscale, tout en restant parfaitement conformes à la législation.
1. Une remontée de trésorerie vers la holding en toute légalité
L’un des intérêts majeurs des management fees est de faire circuler la trésorerie au sein du groupe, notamment des filiales vers la holding, en contrepartie de prestations de services. Contrairement aux dividendes, ces flux ne sont pas soumis à la distribution de bénéfices, ni à la mise en paiement après approbation des comptes.
Cela permet à la holding de mobiliser des fonds rapidement, pour :
- Investir dans de nouvelles sociétés
- Rembourser un emprunt de LBO
- Financer ses propres frais de structure
- Ou encore accompagner la croissance d’une filiale moins rentable
En clair, les management fees permettent une gestion financière plus agile au sein du groupe.
2. Une répartition stratégique des charges dans le groupe
Autre avantage : les management fees permettent de ventiler les coûts de la holding (salaires, loyers, frais généraux…) sur les filiales en fonction de l’utilisation réelle des services. Plutôt que de laisser la holding supporter seule ces charges, elles sont répercutées sur les sociétés bénéficiaires.
Résultat :
- La holding équilibre ses comptes
- Les filiales déduisent des charges réelles et justifiées
- L’ensemble du groupe optimise sa rentabilité fiscale
Cette logique est particulièrement intéressante lorsque la holding centralise des fonctions clés (RH, compta, direction générale…) qui profitent directement aux filiales.
3. Une réduction potentielle de l’impôt sur les sociétés
En refacturant une partie des charges aux filiales, les management fees peuvent réduire leur résultat imposable, donc leur impôt sur les sociétés (IS). Pour que cela fonctionne, il faut bien sûr que :
- Les prestations soient effectivement rendues
- Les montants soient proportionnés à la réalité
- La facturation soit documentée
Du côté de la holding, les fees facturés deviennent un produit imposable, mais si elle dispose de charges déductibles importantes ou d’un report déficitaire, cela peut neutraliser ou limiter l’impact fiscal.
Dans certains cas, cette optimisation permet d’équilibrer la pression fiscale entre différentes entités du groupe, notamment entre une société bénéficiaire et une société déficitaire.
4. Une opportunité dans le cadre d’un LBO ou d’une restructuration
Les management fees sont souvent utilisés dans le cadre d’un LBO (rachat d’entreprise avec effet de levier). La holding créée pour racheter la cible doit assumer des charges financières importantes, notamment le remboursement de la dette d’acquisition.
Or, en facturant des services à la société rachetée, la holding peut :
- Générer des flux de trésorerie entrants
- Rendre visible et justifiable son rôle actif dans la gestion
- Et ainsi légitimer l’existence du montage juridique
Cela renforce la solidité du schéma vis-à-vis de l’administration fiscale, tout en structurant efficacement le groupe.
Mais prudence : pas d’optimisation sans encadrement
Attention : si les avantages sont réels, ils ne doivent jamais dériver en abus de droit. Une facturation fictive ou disproportionnée serait rapidement remise en cause par l’administration. Pour que les avantages fiscaux soient solides, ils doivent s’appuyer sur :
- Une convention de management fees claire et signée
- Une preuve concrète des prestations réalisées
- Des prix de transfert cohérents avec le marché
Risques associés à la facturation de management fees
Les management fees sont des outils puissants, mais ils doivent être maniés avec rigueur et prudence. S’ils ne sont pas justifiés ou s’ils cachent une stratégie d’optimisation fiscale abusive, ils peuvent déclencher des contrôles fiscaux, redressements, voire des sanctions lourdes. Voici un panorama complet des risques à connaître absolument avant de mettre en place ce type de facturation au sein d’un groupe.
1. Rejet de la déductibilité des frais par l’administration fiscale
C’est l’un des risques les plus fréquents. Pour les filiales, les management fees constituent une charge déductible du résultat imposable, ce qui en diminue l’impôt. Mais cette déductibilité n’est pas automatique.
L’administration fiscale peut rejeter la déduction si elle estime que :
- Les prestations ne sont pas réelles
- Elles n’apportent pas de valeur ajoutée
- Le montant facturé est exagéré ou non justifié
- Aucun document contractuel ou comptable ne vient attester de la réalité de la relation
Le rejet de la déduction entraîne une réintégration fiscale, c’est-à-dire une augmentation du résultat imposable… avec des pénalités à la clé.
2. Requalification en dividendes
Autre risque majeur : si l’administration considère que les management fees sont un simple prétexte pour remonter de la trésorerie vers la holding, sans contrepartie réelle, elle peut requalifier les flux en dividendes.
Conséquences :
- Ces flux deviennent non déductibles pour la filiale
- Ils peuvent être soumis à des prélèvements sociaux
- Le bénéficiaire (holding ou personne physique) peut être redevable de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés
Cette requalification est fréquente lorsque :
- Il n’existe aucune convention de prestations de services
- Les prestations sont mal documentées
- La holding n’a pas de salariés ou de ressources pour rendre les services facturés
3. Risque d’abus de droit fiscal
Le recours aux management fees dans une pure logique d’optimisation fiscale, sans substance économique réelle, peut tomber sous le coup de l’abus de droit.
L’abus de droit est caractérisé lorsqu’une opération a pour seul but d’éluder ou d’atténuer l’impôt. Si l’administration fiscale établit ce motif, elle peut :
- Annuler les effets fiscaux des opérations
- Réintégrer les sommes dans l’assiette imposable
- Appliquer des majorations allant jusqu’à 80 %
L’abus de droit est souvent invoqué lorsque :
- Les prestations ne sont jamais réellement exécutées
- Le prix des services est manifestement excessif
- La holding est une coquille vide sans activité propre
4. Risque lié aux prix de transfert
Si les sociétés du groupe sont implantées dans différents pays, les management fees entrent dans le champ des prix de transfert, régis par des règles internationales strictes (OCDE, directives fiscales, etc.).
Dans ce cas, les entreprises doivent :
- Justifier que les prix facturés sont cohérents avec ceux du marché
- Produire une documentation complète (dossier de prix de transfert)
- Conserver toutes les preuves de l’analyse économique
En cas de non-conformité, les risques sont élevés :
- Ajustements fiscaux
- Double imposition
- Amendes forfaitaires pour absence de documentation
5. Risques sociaux et juridiques
Au-delà de la fiscalité, une mauvaise gestion des management fees peut poser des problèmes juridiques et sociaux :
- Requalification en mise à disposition de personnel (avec cotisations sociales à la clé)
- Conflits entre associés si les flux financiers apparaissent comme injustifiés
- Manquement à l’obligation de transparence dans les conventions réglementées en cas de contrôle des commissaires aux comptes
6. Risques d’image et de réputation
Enfin, un recours abusif aux management fees peut entacher la réputation du groupe. En cas de contrôle fiscal ou médiatisation, cela peut nuire :
- À la confiance des partenaires financiers
- À la relation avec les salariés
- À la valorisation de l’entreprise, notamment en cas de cession
Dans un contexte de lutte renforcée contre l’optimisation fiscale agressive, il est essentiel de préserver une cohérence économique et une transparence totale sur ces flux intra-groupe.
Résumé des avantages et risques des management fees
Avantages | Risques |
---|---|
Optimisation fiscale : réduction du résultat imposable des filiales | Rejet de la déductibilité par l’administration fiscale |
Remontée de trésorerie vers la holding sans passer par des dividendes | Requalification en dividendes si les prestations sont fictives |
Valorisation du rôle actif de la holding | Abus de droit fiscal en cas de montage artificiel |
Répartition équitable des charges communes (DAF, RH, juridique, etc.) | Absence de preuve des prestations : factures sans justificatifs |
Justification économique des flux intra-groupe | Non-conformité aux prix de transfert dans les groupes internationaux |
Meilleure gestion et coordination du groupe | Risques sociaux (ex : requalification en mise à disposition de personnel) |
Renforcement de la gouvernance de groupe | Contrôles accrus si absence de convention ou convention imprécise |
Procédures à suivre pour la mise en place des management fees
Mettre en place des management fees dans un groupe de sociétés ne s’improvise pas. Pour que ces frais soient juridiquement valables, fiscalement sûrs et stratégiquement efficaces, certaines étapes sont indispensables. Voici les bonnes pratiques à adopter pour structurer ce mécanisme dans les règles de l’art.
1. Définir précisément les prestations rendues
La première étape consiste à identifier les services réellement fournis par la holding ou la société prestataire :
- Direction générale ou opérationnelle
- Ressources humaines
- Comptabilité et contrôle de gestion
- Conseil juridique ou fiscal
- Gestion informatique ou logistique
Il ne s’agit pas de cocher des cases : chaque prestation doit être utile, précise, et correspondre à une réalité économique. Plus les services sont détaillés, plus la facturation est sécurisée.
💡 Conseil : privilégier une approche fonctionnelle, en listant les missions concrètes réalisées pour chaque entité du groupe.
2. Rédiger une convention de prestations de services
Ce document est indispensable pour encadrer les management fees. Il doit être :
- Signé par les parties (la holding et ses filiales)
- Conservé en cas de contrôle
- Transparent et conforme au principe de pleine concurrence
Une bonne convention comprend généralement :
- L’identité des parties
- La description détaillée des prestations
- Les modalités de calcul du prix
- Les modalités de facturation et de paiement
- La durée de la convention
- Une clause de révision si nécessaire
💡 Astuce : ce document peut être qualifié de « convention réglementée », donc soumis à l’approbation de l’assemblée générale dans certaines sociétés. À ne pas négliger.
3. Justifier la réalité des services
Au-delà du contrat, il faut prouver que les prestations ont bien été réalisées. L’administration fiscale est très attentive à cette étape. Les justificatifs possibles :
- Rapports de mission
- Comptes rendus de réunions
- Emails professionnels
- Tableaux de suivi
- Plannings d’intervention
- Dossiers de travail produits par les équipes
Chaque prestation doit laisser une trace tangible. Une facture sans preuve d’exécution est une porte ouverte aux redressements.
4. Déterminer un prix conforme au marché
Le prix des services doit être juste et proportionné, selon le principe du « prix de pleine concurrence ». Il peut être calculé selon plusieurs méthodes :
- Coût réel + marge raisonnable
- Facturation forfaitaire annuelle
- Répartition selon un indicateur (CA, effectif, temps passé)
Dans les groupes internationaux, ce point est particulièrement sensible en matière de prix de transfert.
💡 Bon réflexe : documenter la méthode de calcul dans une note interne, même si le groupe est exclusivement français.
5. Établir une facturation régulière
Les management fees doivent faire l’objet :
- D’une facturation formelle (avec TVA si applicable)
- D’un suivi comptable rigoureux
- D’un paiement effectif
Une simple écriture comptable entre entités ne suffit pas. Les flux doivent être réels, traçables et enregistrés dans les comptes des deux sociétés.
6. Prévoir une mise à jour régulière
La convention de services et les montants facturés doivent être réévalués régulièrement, notamment si :
- Les prestations évoluent
- La structure du groupe change
- Les volumes de services varient
- Une société entre ou sort du périmètre
Cela garantit une cohérence continue entre la réalité opérationnelle et les flux financiers.
7. Se faire accompagner par des experts
Enfin, pour sécuriser l’ensemble du processus, il est fortement recommandé de faire appel à :
- Un expert-comptable, pour l’analyse financière et la ventilation des charges
- Un avocat fiscaliste, pour la rédaction des conventions et la conformité juridique
- Un conseiller en structuration de groupe, pour l’alignement stratégique
L’investissement dans un accompagnement professionnel est largement compensé par la sécurité qu’il apporte, notamment face à un éventuel contrôle fiscal.
Le cas de Julie, entrepreneure dans le secteur du numérique
Pour mieux comprendre le fonctionnement des management fees, prenons l’exemple de Julie, fondatrice et dirigeante d’un groupe de sociétés dans le domaine du développement web.
Le contexte
Julie a créé en 2020 une holding animatrice, baptisée « JH Groupe », qui détient :
- CodeCraft : une agence de développement web située à Paris
- DesignCraft : une filiale spécialisée en UX/UI basée à Lyon
- TechBoost : une start-up incubée, dédiée à l’IA
Julie centralise au niveau de la holding plusieurs fonctions stratégiques :
- Direction financière (pilotée par un DAF salarié de la holding)
- Ressources humaines (recrutement, gestion des contrats)
- Suivi juridique et comptable
- Conseil stratégique et business développement
La mise en place des management fees
Avec l’aide de son expert-comptable et d’un avocat fiscaliste, Julie met en place en 2023 un système de management fees, encadré par une convention de prestations de services entre JH Groupe et ses filiales.
Voici la répartition annuelle des frais de gestion facturés, basée sur les temps passés et le chiffre d’affaires de chaque filiale :
Filiale | CA annuel (€) | Poids dans le groupe (%) | Montant des management fees (€) | Nature des prestations |
---|---|---|---|---|
CodeCraft | 1 200 000 | 50 % | 60 000 | Finance, RH, direction stratégique |
DesignCraft | 800 000 | 33 % | 40 000 | RH, reporting, juridique |
TechBoost | 400 000 | 17 % | 20 000 | Business dev, levée de fonds, stratégie produit |
Total | 2 400 000 | 100 % | 120 000 |
Chaque filiale reçoit des factures trimestrielles, accompagnées de rapports d’activité et de justificatifs détaillés.
Le témoignage de Julie
« Avant, ma holding ne servait qu’à détenir les parts et remonter les dividendes. Aujourd’hui, elle est vraiment au cœur de la gestion du groupe. Grâce aux management fees, j’ai pu structurer mes équipes, renforcer les fonctions support, et équilibrer les charges entre mes boîtes. Mon expert-comptable m’a aidée à tout documenter pour que ce soit carré, même en cas de contrôle. »
— Julie H., fondatrice de JH Groupe
Les bénéfices pour son groupe
- Optimisation de la fiscalité : les filiales déduisent les frais de gestion, ce qui réduit leur impôt sur les sociétés.
- Renforcement de la holding : elle a pu embaucher un DAF et une assistante RH.
- Structuration professionnelle : chaque entité bénéficie d’un accompagnement sur mesure.
- Préparation à la croissance : Julie prévoit de racheter une nouvelle start-up, avec une structure déjà prête à l’intégrer.
À retenir
Cet exemple illustre comment les management fees, bien mis en place, peuvent transformer une holding passive en véritable moteur stratégique du groupe. Le tout dans le respect des règles fiscales, grâce à :
- Une documentation solide
- Une méthode de calcul transparente
- Un accompagnement professionnel
Se faire accompagner
Les management fees sont bien plus qu’un mécanisme fiscal ou comptable : ce sont de véritables leviers de pilotage stratégique pour les holdings, à condition d’être utilisés dans les règles. Ils permettent de valoriser les fonctions centrales, de répartir intelligemment les charges, et d’optimiser la fiscalité du groupe, tout en donnant à la holding une existence économique réelle.
Mais attention : la mise en place de management fees exige de la rigueur, de la documentation, et un encadrement juridique solide. Une simple facture ne suffit pas. Il faut prouver la réalité des prestations, définir une méthode de calcul claire, et formaliser une convention détaillée.
C’est précisément pour ce type de besoin que LegalCentre accompagne les entrepreneurs dans leurs démarches juridiques :
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